Peur

Il veut un autre enfant. Il dit qu’il n’est pas encore très sûr, mais son argumentaire est clair et parle pour lui. Parmi les idées fortes, il parle de manque si un second ne vient pas, qu’un enfant serait en sécurité avec moi, matériellement et affectivement. L’enfant lui ne veut pas d’un·e compagnon·gne de route. Clairement.

Et moi? Moi je doute. Je pleure toujours autant en pensant à cette petite fille absente de ma vie, à qui je pourrais offrir des dizaines de robes et de poupées. C’est cliché j’en conviens. Et encore, vous n’imaginez pas la chambre à laquelle je rêve pour une princesse. Du rose, des paillettes, des étoiles et des fées plein les murs. Très cliché. De quoi combler ce passé que je n’ai pas eu. Mauvaise raison, me dira-t-on. Mais y a-t-il seulement une bonne raison de faire un enfant? S’aventurer dans la parentalité est quelque chose d’irrationnel en réalité.

La rationalité arrive de l’autre côté du chemin, pour dire combien c’est une mauvaise idée. Inventaire de mes peurs.

Peur de la grossesse. Peur de devoir changer de vêtements et de ne pas en trouver à mon goût ni dans la mesure de ma bourse. Peur d’être à nouveau isolée, sans femme à qui parler de ce changement. Peur d’être à nouveau repoussée et de ne plus exister en tant que femme. D’être seule. Peur de la dépendance quand le moment viendra où je ne pourrais plus me mouvoir facilement.

Peur du moment de la rencontre. Peur d’avoir mal et de revivre les mêmes traumatismes. Peur des complications. Peur d’être déçue, par lui, qui m’a oubliée lors de la première naissance, et par ce nouveau petit être que j’idéalise sans doute trop. Peur de ne pas être à la hauteur. Peur de cet état de fragilité qui entoure le moment de la naissance et nous rend si vulnérable, à la merci de la sauvagerie. Peur d’être à nouveau seule face aux blouses.

Peur du retour au quotidien. Peur des nuits sans sommeil, dans le silence. Peur du domestique à gérer. Peur de l’aîné à qui il faudra faire accepter. Peur qu’il se sente lésé et oublié. Peur des finances, qu’il faudra gérer et boucler, malgré l’angoisse de manquer. Peur des longs mois à la maison, sans conversations d’adulte. Peur des douleurs post-partum. Peur de la pression de la reprise de la vie sexuelle. Peur d’être sans famille pour m’aider. Peur de cette législation qui impose des seringues toxiques. Peur de devoir subir un nouveau régime d’éviction.

Peur de la reprise du travail. Peur de ne pas en trouver. Peur de ne pas trouver une personne de confiance pour la garde en journée. Peur de devoir à nouveau affronter le combo fatigue du travail-fatigue des nuits. Et peur de la suite.

Je suis seule dans toutes ces peurs. Et je ne vois pas d’autre issue que de renoncer à ce doux rêve de guimauve, et de continuer à pleurer la nuit en secret.

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